Une étude récemment publiée a présenté un nouveau modèle neurocomputationnel du cerveau humain, qui pourrait faire la lumière sur la façon dont nous développons des compétences cognitives complexes et faire avancer la recherche sur un intelligence artificielle neural.
L'étude a été menée par une équipe franco-canadienne : des scientifiques français de l'Institut Pasteur et de l'Université de la Sorbonne, des scientifiques canadiens de l'Institut québécois d'intelligence artificielle et de l'Université de Montréal.
Le modèle a été présenté sur la couverture des Actes de l'Académie nationale des sciences des États-Unis d'Amérique (PNAS), Je le mets en lien ici.

Trois niveaux de développement...
Essentiellement, le modèle décrit le développement neuronal sur trois niveaux hiérarchiques de traitement de l'information.
Le premier niveau du traitement de l'information, le sensorimoteur, explore comment l'activité interne du cerveau apprend différents schémas de la perception et les associe à des actions.
Puis le deuxième niveau, le cognitif, examine comment le cerveau combine contextuellement ces schémas.
Le niveau conscientenfin, il considère comment le cerveau se dissocie du monde extérieur et manipule des schémas appris (par la mémoire) qui ne sont plus accessibles à la perception.
… Et deux types d'apprentissage
L'étude du nouveau modèle neurocomputationnel du cerveau humain met également l'accent sur deux types fondamentaux d'apprentissage.
L'un est l'apprentissage de l'hébreu (du neuropsychologue Donald Hebb), associée à la régularité statistique, c'est-à-dire à la répétition. L'autre est l'apprentissage par renforcement, associé à la récompense et au neurotransmetteur dopamine.
L'interaction des deux types d'apprentissage avec les différents niveaux de traitement de l'information pourrait nous donner une nouvelle conscience des mécanismes fondamentaux qui sous-tendent la cognition.
Comment fonctionne le modèle de cerveau humain présenté dans l'étude ?
Le modèle résout trois tâches de complexité croissante, de la reconnaissance visuelle à la manipulation cognitive des perceptions conscientes. A chaque fois, l'équipe a introduit un nouveau mécanisme de base pour lui permettre de progresser.
Les résultats mettent en évidence deux mécanismes fondamentaux pour le développement multiniveaux des compétences cognitives dans les réseaux de neurones biologiques :
- Épigénèse synaptique, avec un apprentissage de l'hébreu à l'échelle locale et un apprentissage par renforcement à l'échelle mondiale ;
- Dynamique auto-organisée, par l'activité spontanée et la relation équilibrée excitatrice/inhibitrice des neurones.
C'est comme comprendre comment un cyber-cerveau s'allume et marche. "Notre modèle démontre comment l'intelligence artificielle procède avec des mécanismes biologiques et des architectures cognitives qui pourraient conduire à la conscience artificielle", explique le membre de l'équipe. Guillaume Dumas, professeur adjoint de psychiatrie computationnelle à l'Université de Montréal.

Nouveau modèle de cerveau informatique : où nous mènera-t-il ?
Un modèle comme celui étudié peut-il faire émerger une conscience dans une intelligence artificielle ?
"Pour atteindre ce jalon, il faudra peut-être intégrer d'autres facteurs", explique Dumas, "comme la dimension sociale de la cognition". Et c'est ce que tentent désormais de faire les chercheurs : les prochaines expériences visent à faire interagir deux "cerveaux cybernétiques simulés", pour voir ce qui en ressort.
En bref, l'équipe estime que l'ancrage des futurs modèles informatiques dans les réalités biologiques et sociales ne nous aidera pas seulement à comprendre les mécanismes fondamentaux sous-jacents à la cognition.
Cela nous aidera aussi à fournir ces mécanismes à une intelligence artificielle, qui un jour (contrairement à aujourd'hui) aura une certaine forme de conscience de soi.