La communauté scientifique mondiale a tiré une sonnette d'alarme sans précédent : des centaines de biologistes appellent à l'arrêt immédiat des recherches sur bactéries miroir, une technologie qui pourrait réécrire (et potentiellement détruire) les règles de la vie telles que nous les connaissons. Dans quelle mesure est-il vrai ? Faut-il prendre l’alarme au sérieux ? Parlons-en sérieusement.
Les bactéries miroirs, une technologie controversée
I bactéries miroir représentent l’une des frontières les plus débattues de la biologie synthétique. Ce sont des organismes conçus avec une structure d’ADN qui est l’image miroir de celle trouvée dans tous les organismes naturels connus. Le professeur Jack W.Szostak, prix Nobel de chimie de l'Université de Chicago, s'est placé à la tête d'un très grand pool scientifique, qui a récemment lancé un sévère avertissement : "Les conséquences pourraient être globalement désastreuses".
La structure en double hélice de l’ADN naturel est considérée comme « droitière », avec ses brins s’enroulant vers la droite, tandis que les protéines, les éléments de base des cellules, sont « gaucheres ». Cette fonctionnalité, appelée homochiralité, est une constante de la vie sur notre planète. Les êtres vivants sont homochiral. Créer des organismes qui inverseraient cette règle fondamentale pourrait avoir des conséquences mortelles.
L'alarme de la communauté scientifique
Un groupe de 38 scientifiques de renom a publié une analyse approfondie dans Science (je te le mets en lien ici), accompagné d'un rapport technique de 299 pages (C'est ici), demandant l'arrêt immédiat de toute recherche visant à créer ces organismes synthétiques. Professeur Vaughn Cooper de l'Université de Pittsburgh, initialement sceptique quant aux risques, a dû admettre que la menace est "sans précédent".
La principale préoccupation est que des bactéries miroir expérimentales, si elles étaient accidentellement libérées dans l’environnement, pourraient être invisibles pour notre système immunitaire et se propager de manière incontrôlable.
Les caractéristiques qui rendent les bactéries dangereuses
Évasion immunitaire : Ils pourraient échapper aux mécanismes de défense immunitaire de les humains, les animaux et les plantes, provoquant des infections potentiellement mortelles.
Résistance naturelle : Ils pourraient éviter les virus et autres microbes qui contrôlent habituellement les populations bactériennes.
Propagation incontrôlée: Une fois rejetés dans l’environnement, ils pourraient se propager dans différents écosystèmes via les animaux et les humains.
Mais pourquoi des recherches sont-elles menées sur les bactéries miroirs ? Quels sont leurs avantages potentiels ? Le dilemme des applications médicales
Les partisans de la recherche sur les bactéries miroirs soulignent leur potentiel révolutionnaire dans le domaine médical. Les scientifiques ont déjà créé protéines miroirs, découvrant qu'ils sont beaucoup plus résistants que les naturels car le enzymes ils ne peuvent pas les décomposer. Cette fonctionnalité pourrait conduire à des développements significatifs dans le traitement des maladies chroniques.
Cependant, le médecin Kate Adamala de l'Université du Minnesota, qui travaillait à la création d'une cellule miroir, a changé de direction après avoir étudié les risques en détail. Comme indiqué dans la lettre publiée dans Science, les auteurs recommandent que « à moins que des preuves convaincantes n’apparaissent que la vie miroir ne présente aucun danger extraordinaire, nous pensons que les bactéries miroirs et autres organismes miroirs ne devraient pas être créés. » Des propos clairs, qui ne laissent aucune place à l’interprétation.
Calendrier et perspectives d’avenir
Même si la création de bactéries miroirs n’aura lieu que dans au moins une décennie, les progrès récents ont rendu les préoccupations plus tangibles et plus urgentes. Certains chercheurs, comme mentionné, ont déjà produit de grosses molécules miroirs fonctionnelles : c’est une étape importante vers la création d’organismes complets.
Et ce serait, comme le disent les scientifiques, un risque très sérieux. Pour en comprendre l'ampleur, il suffit de considérer l'impact dévastateur des espèces envahissantes sur les écosystèmes indigènes : les bactéries miroirs constitueraient une menace encore plus sérieuse, car ils sont complètement étrangers à toute forme de vie terrestre.
Des règles mondiales sont nécessaires
Soyons clairs : la communauté scientifique ne demande pas seulement l’arrêt des recherches sur la création de bactéries miroirs. Il appelle à établir des lignes directrices claires qui empêchent le financement de ces études. A l'automne 2025, à Manchester, on attend un forum mondial précisément pour discuter de ces questions et établir un cadre réglementaire international.
Les scientifiques soulignent que même si la recherche sur les molécules miroirs pour des applications médicales peut se poursuivre, la création d’organismes complets doit être interdite. Les enjeux sont trop importants pour nous permettre de jouer avec l’ordre fondamental de la vie sur notre planète.
Comme toujours, le chemin difficile consiste à trouver un équilibre entre progrès scientifique et sécurité mondiale en établissant des protocoles rigoureux qui empêchent le développement de ces organismes potentiellement dangereux. Nous sommes confrontés, disent même les lauréats du prix Nobel, à la perspective de dommages irréversibles à l'ensemble de l'écosystème terrestre. Quelque chose qui rend même ridicule la menace nucléaire.
N'ouvrons pas cette boîte de Pandore.