Avez-vous déjà pensé à ce que ce serait d’avoir un « interrupteur » pour désactiver les troubles mentaux comme l’anxiété sociale ou le trouble obsessionnel compulsif ? Peut-être que nous ne sommes pas si loin. Une équipe de scientifiques de la Duke University vient de faire un pas de géant en créant des synapses électriques artificielles dans le cerveau des souris, modifiant ainsi la façon dont leurs neurones communiquent.
Ces synapses génétiquement modifiées ont contourné les connexions chimiques problématiques, créant de nouvelles voies de signalisation qui ont matériellement modifié le comportement des animaux. Les souris sont génétiquement prédisposées à développer des comportements de type trouble obsessionnel compulsif (TOC) ont présenté des symptômes minimes et environ les deux tiers n’ont jamais développé de lésions faciales typiques. Une avancée qui pourrait représenter l’aube d’une nouvelle ère pour la psychiatrie.
Au-delà des neurotransmetteurs : les autoroutes électriques du cerveau
Chez les mammifères, y compris les humains, le cerveau communique principalement par le biais de synapses chimiques utilisant des neurotransmetteurs. Les synapses électriques, beaucoup plus rares, sont plutôt basées sur des protéines appelées connexines. Et c'est ce que révèle la brillante intuition de Kafui Dzirasa et son équipe.
« Nous voulions savoir si nous pouvions concevoir un moyen de contourner les synapses chimiques entre les cellules en insérant une synapse électrique », explique-t-il. Dzirasa. Ce n’était pas une mince affaire : alors que des travaux similaires avaient été menés sur le nématode C. elegans (un ver avec seulement 302 neurones), Les souris possèdent environ 71 millions de neurones, un niveau de complexité bien supérieur.
Pour construire ces nouvelles « autoroutes neuronales », les chercheurs ont d’abord dû identifier les bonnes connexines. Le choix s'est porté sur le connexions 34.7 et 35, trouvé dans un poisson appelé perche blanche. Ces protéines fonctionnent comme les côtés positif et négatif d’un circuit électrique, permettant au courant de passer directement entre les neurones.
Synapses artificielles : cartographier le cerveau pour intervenir avec précision
Le prochain défi était de déterminer où placer ces nouvelles connexions. Des scientifiques ont implanté de minuscules électrodes dans le cerveau de souris, créant une carte électrique montrant le flux d’informations entre différentes zones du cerveau.
En observant comment cette carte changeait lorsque les souris étaient exposées à des situations provoquant de l’anxiété ou de l’agressivité, l’équipe a pu identifier les circuits précis qui devaient être modifiés. Un virus inoffensif a ensuite été utilisé pour transporter l’information génétique nécessaire à la production de connexines dans les cellules cibles.
Le résultat? Des synapses électriques entièrement fonctionnelles ont modifié le flux électrique dans le cortex frontal, rendant les souris plus exploratrices et sociables. Une application potentiellement révolutionnaire pour des conditions comme l’anxiété sociale.

Prévenir les troubles mentaux, pas seulement les guérir
Dans une deuxième expérience, encore plus ambitieuse, les chercheurs ont voulu vérifier si cette technique pouvait prévenir l’apparition de problèmes psychiatriques.
Nous avons créé une approche pour modifier la connexion entre les cellules, permettant un recâblage ciblé du cerveau. Il a le potentiel de corriger de nombreux types différents de déficits de câblage induits génétiquement pour prévenir l’émergence de troubles psychiatriques.
En ciblant un circuit à longue portée entre le cortex frontal et une zone du cerveau appelée thalamus (importante lorsque les souris sont stressées), l’introduction de synapses électriques a amélioré la communication entre ces régions, empêchant les souris de « se figer » en réponse au stress.
L’expérience sur des souris génétiquement prédisposées à développer des symptômes de type TOC s’est avérée encore plus impressionnante. En général, ces animaux commencent à se toiletter de manière obsessionnelle, provoquant finalement des lésions faciales qui ressemblent à celles des personnes atteintes de TOC qui se lavent les mains de manière compulsive. Les souris équipées de synapses artificielles se sont moins soignées et environ deux tiers n'ont jamais développé de lésions.
Synapses artificielles, l’avenir : l’édition du cerveau humain ?
Bien que les travaux aient été menés sur des souris, Dzirasa Il a également sélectionné les connexines 34.7 et 35 car elles devraient fonctionner de manière similaire chez l’homme. Les atlas existants des profils d’expression des gènes humains pourraient identifier les cellules à cibler.
« Ces modèles d’expression génétique sont comme un marqueur GPS », explique le chercheur, montrant quelles cellules font quoi. Les virus porteurs du matériel génomique nécessaire pourraient être injectés dans la circulation sanguine puis traverser la barrière hémato-encéphalique, qui pourrait également être ouverte à l’aide d’ultrasons focalisés.
Mais l’édition du cerveau chez l’homme est encore loin d’être une réalité et soulève des questions éthiques. En guise de note Ithai Rabinowitch de l'Université hébraïque de Jérusalem, nous ne savons pas encore si le cerveau réagirait en créant de nouvelles connexions neuronales qui pourraient annuler les effets des synapses artificielles. ou même créer d’autres chemins potentiellement négatifs.
Malgré ces inconnues, la recherche ouvre une voie passionnante : pour la première fois, nous pouvons imaginer des thérapies qui ne se contentent pas de compenser les déséquilibres chimiques, mais reconstruisent littéralement les connexions du cerveau. Il ne s’agit plus seulement de médicaments, mais de véritables interventions personnalisées d’« ingénierie neurologique ».
Sommes-nous à l’aube d’une nouvelle ère pour la psychiatrie ? Il est trop tôt pour le dire, mais les synapses artificielles représentent sans aucun doute l’une des frontières les plus prometteuses dans la lutte contre les troubles mentaux.
Retrouvez la recherche officielle ici : https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2025.03.25.645291v1