Et si notre ADN pouvait être amélioré ? Et si nous pouvions corriger les défauts responsables des maladies, ajouter des fonctions que notre corps ne possède pas, tout optimiser comme un logiciel ? L’ADN synthétique promet de rendre tout cela possible.
Je ne parle pas de changements marginaux : les chercheurs de Cambridge construisent littéralement des chromosomes humains de toutes pièces, molécule par molécule. C'est le projet Projet de génome humain synthétique, financé à hauteur de 10 millions de livres. L'objectif ? Créer des cellules artificielles qui font exactement ce que font les cellules naturelles, mais en mieux. Beaucoup mieux.
Un jeu à 10 millions de dollars qui peut changer la médecine
Il Wellcome Trust, la plus grande fondation médicale au monde, a décidé de se lancer à fond dans un projet qui, jusqu'à récemment, semblait être une pure folie. Comme je l'ai souligné dans cet articleLa biologie synthétique a déjà démontré son efficacité avec des organismes plus simples. C'est maintenant au tour des humains.
Jason Menton, directeur du projet au laboratoire de biologie moléculaire du MRC à Cambridge, n'a aucun doute (qu'il a de la chance) :
« La capacité de synthétiser de grands génomes, y compris ceux des cellules humaines, a le potentiel de transformer notre compréhension de la biologie génomique et de modifier profondément les horizons de la biotechnologie et de la médecine. »
La démarche est ambitieuse mais méthodique : commencer avec un seul chromosome synthétique, ce qui représente environ 2% de notre ADN total.
Les cerveaux derrière l'opération d'ADN synthétique
Julian Sale, une figure clé du projet, jouit d'une réputation bien établie dans l'étude de la réplication de l'ADN et des mécanismes de réparation cellulaire. Recherche sur les mécanismes qui atténuent le blocage de la réplication de l'ADN est essentiel pour comprendre comment construire des chromosomes artificiels fonctionnels.
« La capacité de synthétiser de larges segments de chromosomes humains, voire des génomes entiers, nous permettra de tester les théories actuelles sur la façon dont les gènes et autres éléments génétiques interagissent pour réguler la fonction génomique avec une précision et une ampleur sans précédent », explique Sale. Les connaissances acquises grâce à cette recherche pourraient ouvrir la voie à la conception de thérapies cellulaires sûres et efficaces.
Des chromosomes sur mesure contre les virus et les tumeurs
L’idée est aussi fascinante que dérangeante : cellules humaines reprogrammées être immunisé contre les virus, résistant au cancer, capable de produire des médicaments en interne. Comme l’ont démontré des recherches antérieures sur les cellules synthétiquesL’ADN synthétique peut être conçu pour fonctionner dans des conditions qui tueraient les cellules normales.
L'équipe développe des méthodologies où de légères modifications de la séquence d'un chromosome ont un impact minimal sur les protéines produites. Il s'agit d'un équilibre délicat : modifier suffisamment pour obtenir de nouvelles fonctions, sans pour autant compromettre la vie de la cellule.

Les fantômes éthiques de l'ADN synthétique
Chaque avancée en biologie synthétique rallume (comme il se doit) le débat sur les limites éthiques de la science. Badge Robin Lovell de l'Institut Francis Crick est catégorique :
Il n'est pas question de créer des humains synthétiques. Nous n'avons aucune idée de comment y parvenir et ce serait probablement très dangereux.
Le projet comprend un programme dédié aux sciences sociales, dirigé par Joy Zhang de l'Université du Kent, qui collaborera avec des partenaires de la société civile du monde entier pour explorer les implications socio-éthiques des outils développés. Cette approche, baptisée « Synthèse attentive », vise à établir un nouveau paradigme pour des pratiques scientifiques responsables à l'ère de la mondialisation.
De la théorie à la pratique de l'ADN synthétique
Les défis techniques sont énormes. Aujourd'hui, nous sommes déjà capables de synthétiser des génomes bactériens, mais passer aux chromosomes humains implique de s'attaquer à des ordres de grandeur de complexité. Les chercheurs développent de nouvelles technologies d'assemblage robotisé et d'intelligence artificielle générative pour permettre l'ingénierie de chromosomes de mammifères synthétiques.
Et le voyage, avec ses hauts et ses bas, continue inexorablement.
L'avenir écrit en ADN synthétique
Poser les bases, tester les concepts, affiner les méthodes et intégrer les considérations éthiques prendra de nombreuses années. Même si les technologies de l'ingénierie biologique progressent, Il faudra probablement des décennies pour construire de manière fiable un génome humain synthétique complet et obtenir une application significative dans le domaine de la santé humaine.
Michael Dunn, directeur de la recherche de découverte chez Wellcome, est optimiste :
« En créant les outils et les méthodes nécessaires à la synthèse d’un génome humain, nous répondrons à des questions sur notre santé et nos maladies que nous ne pouvons pas encore anticiper, transformant ainsi notre compréhension de la vie et du bien-être. »
Comme c'est souvent le cas en science, la voie vers l'ADN synthétique pourrait s'avérer plus précieuse que la destination elle-même. Chaque tentative de création de chromosomes artificiels nous apprend quelque chose de nouveau sur le fonctionnement de la vie, ouvrant des possibilités que nous ne pouvons même pas imaginer aujourd'hui.