Imaginez écouter le battement du cœur de l'univers et découvrir un rythme qui ne devrait pas exister. C'est ce qui est arrivé aux chercheurs analysant les ondes gravitationnelles : ils ont entendu le « bang » des collisions entre des trous noirs intermédiaires, des objets cosmiques qui semblaient tout droit sortis d'un manuel de physique théorique. Ces monstres gravitationnels, dont la masse est comprise entre 100 et 300 fois celle du Soleil, représentent le chaînon manquant entre les trous noirs stellaires et les trous noirs supermassifs. Leur découverte réécrit ce que nous savons sur la formation des premières géantes cosmiques.
Trous noirs intermédiaires : les fantômes du cosmos existent réellement
Pendant des années, les trous noirs intermédiaires ont été les fantômes de la cosmologie. La théorie prédisait leur existence, mais personne ne les avait jamais surpris en flagrant délit. Le problème est simple : ils sont trop massifs pour naître de l'effondrement d'une seule étoile, mais trop petits pour être les monstres qui règnent sur les galaxies. C'est un peu comme chercher une bête mythique vivant dans un no man's land évolutif.
L'équipe dirigée par Anjali Yelikar e Krystal Ruiz Rocha de L'Université Vanderbilt il a fait ce qui semblait impossible : a déterré ces géants cachés et insaisissables Réanalyse des données de la troisième campagne d'observation LIGO et Virgo. Le résultat ? Onze événements gravitationnels qui racontent l'histoire de fusions entre trous noirs intermédiaires, les plus lourds jamais enregistrés par l'astronomie gravitationnelle.
Karan Jani, qui dirige le projet, a une vision poétique mais précise : « Les trous noirs sont les fossiles cosmiques par excellence. Les masses que nous avons détectées lors de cette analyse sont restées hautement spéculatives en astronomie pendant des décennies. »

Quand l'univers sonne différemment
Les signaux détectés par LIGO et Virgo ne ressemblent pas au « gazouillis » gravitationnel classique que nous avons l’habitude d’entendre. Comme l’a expliqué un chercheurCela ne ressemble pas vraiment à un pépiement, ce que nous percevons habituellement. Cela ressemble plutôt à un « bang », et c'est le signal le plus puissant jamais observé par LIGO et Virgo.
La raison est physique : plus les trous noirs sont massifs, plus la fréquence du signal gravitationnel est basse. Ces trous noirs intermédiaires produisent des ondes qui vibrent à des fréquences si basses qu’elles atteignent la limite de sensibilité des instruments terrestres. Mais cette caractéristique même les rend précieux : ils nous permettent d’observer des époques lointaines, lorsque l’univers était jeune et que les premières étoiles s’éteignaient, créant les premiers trous noirs.
Le chaînon manquant de l'histoire cosmique
La découverte de ces trous noirs intermédiaires résout une énigme qui tourmente les astrophysiciens depuis des décennies. Comme je l'ai souligné dans cet articleL'univers semble présenter une distribution bimodale de trous noirs : soit ils sont petits (jusqu'à 50 masses solaires), soit ils sont gigantesques (des millions de masses solaires). Mais comment passe-t-on de l'un à l'autre ?
La réponse réside peut-être dans les fusions hiérarchiques. Ces trous noirs intermédiaires pourraient se former lorsque des trous noirs plus petits entrent en collision de manière répétée, augmentant leur masse à chaque collision. Ce processus nécessite des environnements denses, comme le centre d'amas d'étoiles ou les disques de gaz entourant les trous noirs supermassifs.
Trous noirs intermédiaires : une fenêtre sur un passé lointain
Ce qui rend ces onze événements vraiment spéciaux, c’est leur capacité à nous raconter des histoires anciennes. La recherche, publiée le Lettres du journal astrophysique, ouvre une fenêtre sur le premier milliard d'années de l'univers, lorsque les premières étoiles massives ont terminé leur vie dans des explosions spectaculaires.
Jani Il est convaincu que nous vivons un moment historique : « Il s’agit d’une population de trous noirs qui nous offre une fenêtre sans précédent sur les toutes premières étoiles qui ont illuminé notre univers. »
Les futurs observateurs, tels que LISA dont nous avons déjà parlé, pourrait capter des signaux encore plus anciens, nous permettant d'assister à la naissance des premiers trous noirs intermédiaires. Un voyage à travers le temps gravitationnel qui nous mènera aux origines de l'univers tel que nous le connaissons.
L'univers, semble-t-il, recèle encore de nombreux secrets. Et nous commençons seulement à entendre ses plus anciennes histoires.