Elle flotte à la surface de l'eau, son corps transparent oscillant à peine. Ses tentacules ondulent avec la nonchalance hypnotique propre aux méduses. Sauf que celle-ci n'est pas vraiment « vivante » : c'est une méduse robot chinoise de 56 grammes, équipée d'une caméra vidéo et d'une puce d'intelligence artificielle à la place des cellules urticantes. On l'appelle un « fantôme sous-marin », et lorsqu'elle nage, elle est pratiquement impossible à distinguer d'un véritable cnidaire.
Le projet de la Université polytechnique du Nord-Ouest L'étude de Xi'an marque une avancée majeure en biomimétisme marin : tandis que Caltech et Stanford ont passé des années à « augmenter » de véritables méduses à l'aide de prothèses électroniques, les Chinois ont construit une réplique quasi parfaite. Celle-ci consomme 28,5 milliwatts, par exemple : une ampoule LED consomme mille fois plus.
Comment fonctionne le fantôme sous-marin
La méduse robotique mesure 12 centimètres de diamètre. Son corps est composé de matériaux à base de hydrogel, du même type que celles utilisées pour les lentilles de contact. Selon les chercheursDes actionneurs électrohydrauliques reproduisent les signaux neuronaux qui contrôlent les contractions musculaires des méduses. Il en résulte un mouvement pulsatile identique à celui observé dans la nature : la cloche se contracte, propulse l’eau, puis se relâche. Le cycle se répète. Aucun bruit, aucune vibration perceptible.
Professeur Kai Tao, qui dirige le projet à la Faculté de génie mécanique et électrique, a présenté le dispositif dans une émission scientifique diffusée sur CCTV. Au cours des testsLe robot a maintenu une position stable malgré les conditions dynamiques de l'eau et a identifié avec précision des objets spécifiques, notamment l'emblème de l'université et un poisson-clown.
Robot Méduse : la différence avec les projets occidentaux
Pendant des années, Caltech a travaillé À propos des méduses « biohybrides » : des organismes vivants équipés de stimulateurs cardiaques électroniques et de « chapeaux » prothétiques imprimés en 3D. Professeur Jean Dabiri et son équipe ont obtenu des résultats intéressants. La méduse modifiée Ils ont nagé trois fois plus vite que d'habitude en utilisant seulement deux fois plus d'énergie.Mais ils restaient des animaux vivants et fragiles qui nécessitaient des soins constants et soulevaient des questions éthiques.
L'approche chinoise élimine le problème à la racine : Aucun organisme biologique, seulement des matériaux synthétiques assemblés pour imiter la forme et le mouvement. L'université d'État de Caroline du Nord également En 2020, des robots inspirés des méduses ont été développés à l'aide de polymères précontraints. Ils atteignaient une vitesse de 53,3 millimètres par seconde, supérieure à celle des méduses. Cependant, ils n'étaient pas transparents, ne possédaient pas de tentacules réalistes et, surtout, étaient dépourvus de capacités de reconnaissance visuelle.

CV de Kai Tao
La méduse robot n'est pas la première exploitation biomimétique de Université polytechnique du Nord-OuestEn 2021, l'équipe Tao a testé un raie manta robot Un prototype de 470 kilogrammes a été testé dans les eaux des îles Xisha (Paracelse), en mer de Chine méridionale. Ce prototype, imitant la forme et les mouvements des raies, a plongé jusqu'à 1 025 mètres de profondeur. L'université a également développé des robots inspirés des geckos, des criquets et des oiseaux. Le laboratoire de Tao, Laboratoire clé pour les systèmes micro et nano aérospatiauxIl s'agit de l'une des premières unités de recherche chinoises consacrées aux systèmes microélectromécaniques. Selon le département d'État américain, c'est également une institution « à très haut risque » en raison de ses liens avec l'armée chinoise.
La consommation énergétique du robot est si faible qu'elle permet des missions sous-marines prolongées. 28,5 milliwatts, comme mentionné précédemment, pourrait théoriquement fonctionner pendant des semaines avec une pile de la taille d'une pièce de monnaie.
Ce type d'autonomie le rend idéal pour la surveillance à long terme, et non pour l'exploration à court terme. Sa capacité à identifier des cibles spécifiques grâce à l'intelligence artificielle le distingue de tout autre robot sous-marin biomimétique existant.
Méduses robots : la prédation n’est pas le seul problème.
Il y a un détail qui semble avoir échappé à tous. Si le robot ressemble tellement à une vraie méduse qu'il trompe les humains, il trompera probablement aussi les prédateurs. Les tortues marines, par exemple, se nourrissent de méduses et confondent déjà régulièrement les sacs en plastique avec des proies. Un robot transparent doté de tentacules et se déplaçant comme une méduse pourrait finir dans l'estomac d'une tortue avant même d'avoir pu collecter la moindre donnée utile.
Autres projets de robotique marineD'autres, comme les méduses modulaires de l'université Cornell, ont abordé le problème en utilisant des tailles et des formes moins esthétiques. Mais le « fantôme sous-marin » chinois mise tout sur le réalisme. Et le réalisme, dans la nature, a des conséquences.

Il reste à voir où ce robot sera concrètement utilisé. Parmi les applications déclarées figurent la surveillance des grands fonds marins, l'observation des écosystèmes fragiles et l'inspection des structures sous-marines. Les applications non déclarées sont évidentes.
Un appareil silencieux, économe en énergie et pratiquement invisible, doté d'une caméra et d'intelligence artificielle, constitue un outil de surveillance idéal. Université polytechnique du Nord-Ouest Elle n'est pas vraiment réputée pour ses projets de biologie marine dans le Pacifique.
