Dans le sous-sol d'une maison ordinaire, pendant le confinement, un professeur expérimentait avec des pièces imprimées en 3D et des tubes en laiton. Désormais, il poursuit ses expériences en laboratoire. Il n'assemble pas un drone, mais une grille d'aiguilles qui guident le fil : avancer, se déplacer latéralement, ajouter du volume. Les tissus 3D prennent forme, couche après couche, comme une pyramide surgie de nulle part.
François GuimbretièreUne chercheuse de l'université Cornell observe : son prototype ne tisse pas des draps, mais des objets solides d'une rigidité calculée. Ce métier à tisser, qui se fait sculpteur, accomplit des gestes presque intimes. Mais résistera-t-il au chaos du fil ? La curiosité demeure, suspendue à un crochet.
Mais alors le fil trébuche.
Cela arrive. La tête du métier glisse sur la grille 6x6, prend une maille de trop ou en perd une. Le prototype, développé conjointement par Cornell et Carnegie Mellon, est encore à ses balbutiements : il crée un C incurvé, une pyramide au crochet, mais il arrive que le fil s’emmêle ou se détache. Guimbretière le sait : « Nous travaillons lentement, et chaque boucle incorrecte nous le rappelle. » Le système ajoute des mailles dans toutes les directions (avant, arrière, diagonale), mais à la vitesse d’un artisan, pas d’une usine.
C’est pourtant précisément là que réside le potentiel des tissus 3D : un contrôle total de la structure, sans utiliser de moules ni de colle.

Comment fonctionne l'astuce
Au cœur du projet se trouve un ensemble d'aiguilles symétriques, chacune dotée d'un double crochet imprimé en 3D et soutenue par un tube en laiton. Un code personnalisé génère le motif numérique, et la tête se déplace librement sur la grille et construit couche après couche, comme une imprimante 3D mais avec un noyau en laine. Le résultat ? Des tissus 3D avec des zones souples et rigides à la demande, sans raccord visible. L'équipe a présenté ses travaux à UIST 2025 à Busan (UIST 2025), ce qui prouve que le tricot solide est possible. Il suffit d'augmenter le nombre d'aiguilles en conséquence, explique Guimbretière.
Un détail technique ? Le code est ouvert : n’importe qui peut générer des patrons pour des formes complexes. Un peu comme un logiciel de CAO pour pulls, mais qui imprime en volume (Futur proche, 2024).
Tissus 3D, le paradoxe du fil
J'y ai réfléchi et j'ai trouvé un point qui clochait. D'un côté, ce système promet des prothèses textiles, des vaisseaux sanguins artificiels et des structures qui se développent grâce aux cellules. De l'autre, le prototype est encore lent, fragile et perd ses points de suture comme un débutant.
C'est un peu comme un chirurgien les mains liées : il sait où couper, mais l'aiguille dérape. Les tissus médicaux 3D sont l'objectif, mais ils exigent une précision absolue, et le fil ne se laisse pas toujours faire. Guimbretière admet : « Il faut rendre le système robuste avant d'envisager un ligament. » La technologie est là, mais l'imprévisibilité du fil (ce nœud aléatoire) nous rappelle que tout ne peut pas être planifié. Il nous faut plus de temps, soyons réalistes.
Tissus 3D, un tissu qui attend
Les tissus 3D existent, tangibles mais pas encore au point. Ajouter des aiguilles est facile, enlever les nœuds l'est moins. Guimbretière parle d'applications médicales, mais il sait que le chemin est encore long. Comme pour tout bon prototype, la promesse dépasse la réalité : veines tissées, supports osseux, matériaux adaptables au corps. Une étude récente sur Revue de recherche textile confirme que les structures programmables de ce type représentent l'avenir (Revue de recherche textile, 2024Le tricot solide existe. Il lui reste juste à apprendre à ne pas trébucher sur son propre fil.
