En période de températures record, les scientifiques évaluent continuellement des solutions innovantes (et controversées) liées à géo-ingénierie. Le dernier? Manipulez les nuages pour réfléchir davantage de lumière solaire dans l’espace. Cette stratégie, appelée « éclaircissement des nuages marins » (MCB), pourrait théoriquement ralentir le réchauffement climatique. Mais avant même de pouvoir envisager de la mettre en pratique, il reste encore beaucoup de travail à faire pour comprendre ses avantages et ses risques potentiels. Une nouvelle étude (que je vous mets en lien ici) ouvre la voie pour combler ces lacunes dans les connaissances.
Jouer à Dieu avec les nuages
L’idée derrière le MCB est aussi simple qu’audacieuse : rendre les nuages marins plus réfléchissants en pulvérisant de l'eau salée dans l'air. Pas du ciel, comme dans le cas de ce qu'on appelle "insémination" des nuages (quelqu'un parle ouvertement de chemtrails, et il ne s'agit pas de théoriciens du complot). Dans le cas de cette étude, pas de chimie et pas d’avions : le sel marin vient directement de la mer, et est pulvérisé depuis les navires. En pratique, il s’agirait de créer une sorte de « bouclier solaire » naturel pour protéger la Terre des rayons du soleil. Un peu comme mettre de la crème solaire sur la planète, en somme. En d’autres termes… En réalité, ce n’est ni simple, ni définitif.
Le MCB ne fait rien pour réduire les émissions de gaz à effet de serre qui réchauffent la planète. Tout au plus, cela pourrait nous donner un peu plus de temps pour tenter de réduire la pollution. Comme il le dit Lynn Russell, co-auteur de l'étude, "nous devons envisager des plans de sauvegarde non idéaux juste pour gagner suffisamment de temps". Déjà. Parce qu’il y a très peu d’« idéal » dans cette solution.
Une route pavée d'inconnues
L’idée de manipuler délibérément le climat de la Terre fait froid dans le dos à beaucoup. Et pour cause : les effets d’une intervention aussi massive sur l’équilibre fragile de notre planète sont encore largement méconnus. Nous pourrions résoudre un problème en en créant de nouveaux et potentiellement pire.
Les nuages, en effet, constituent une véritable énigme climatique. Certains bloquent la lumière du soleil, d’autres emprisonnent la chaleur. L’objectif du MCB est bien entendu d’avoir davantage de nuages de ce premier type. Mais si nous provoquons accidentellement une diminution des nuages et de la pluie, nous pourrions avoir l’effet inverse et accélérer le réchauffement. Bref, jouer avec les nuages, c’est comme marcher sur un champ de mines.
Pour comprendre si le MCB peut fonctionner dans la vie réelle, les chercheurs devront d’abord constater des résultats positifs lors de tests en laboratoire et d’études sur modèles. Ensuite, ils devront tester si de petites expériences sur le terrain peuvent être étendues pour avoir un impact mondial. Les observations par satellite seront cruciales pour suivre les résultats de telles expériences. Mais la science physique ne représente qu’une partie de l’équation. Il y a également des implications sociales et éthiques à considérer. Comment pouvons-nous éviter les disparités entre ceux qui bénéficient de cette méthode et ceux qui supportent des charges inattendues ? Le MCB pourrait par exemple déclencher des changements dans les précipitations d’une région à l’autre.
Un avenir dans les nuages
En résumé, le chemin vers une éventuelle utilisation du MCB est encore sombre : mais dans un monde qui cuit littéralement à feu doux, nous ne pouvons peut-être pas nous permettre d’écarter a priori une option, aussi extrême qu’elle puisse paraître. Alors, chers scientifiques, continuez à explorer le potentiel du MCB. Mais faites-le avec la plus grande prudence et transparence. Car lorsqu’il s’agit de manipuler le climat, nous jouons littéralement avec le feu : et la dernière chose dont nous avons besoin, c'est d'un autre nuage sombre à l'horizon.